Je regarde maintenant ce que
d'ordinaire j'appellerais une broussaille inextricable – fouillis
de plantes et de mauvaises herbes avec des branches et des feuilles
en tous sens. Mais maintenant que prédomine en moi l'esprit qui
organise et perçoit les relations, je me rends compte que la
confusion ne vient pas de la broussaille elle-même, mais bien de la
maladresse de ma pensée. En fait, chaque brindille est parfaitement
à sa place, et le fouillis est devenu une arabesque aussi
subtilement ordonnée que les célèbres entrelacs qui ornent les
marges des anciens manuscrits irlandais. Dans le même état de
conscience, j'ai vu un bois à l'automne, la multitude des branches
nues et des rameaux se détachaient à contre-jour sur le ciel. Il ne
s'agissait pas d'un fouillis, mais d'une dentelle ou du délicat
guillochage, œuvre d'un joaillier enchanté. Une bûche à demi
décomposée, couverte d'une rangée de champignons et de plaques de
mousse m'apparaît comme aussi précieuse qu'une œuvre de Benvenuto
Cellini – un assemblage, éclairé du dedans, de jais, d'ambre, de
jade et d'ivoire, toute cette décomposition poreuse et spongieuse du
bois semble avoir été ciselé avec une patience et un art infini.
Je ne sais pas si c'est parce qu'un tel mode de vision organise le
monde de la même manière qu'il organise le corps, ou si c'est
simplement parce que la nature est ainsi formé.
Alan Watts, The Joyous
Cosmology : Adventures in the Chemistry of Consciousness,
New York, Pantheon Books (Random
House), 1962 (préface de Thimothy Leary);
Joyeuse Cosmologie. Aventure
dans la chimie de la conscience,
traduction : Jacques Brosse,
Paris, Fayard, 1971, p. 97.
The Joyous Cosmology est
essentiellement consacré à trois drogues : la mescaline (principe
actif du peyotl),
la psilocybine (extraite d'un
champignon mexicain) et le LSD (« acide » dérivé de
l'ergot de seigle).
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